"Expulsions. Brutalité et complexité dans l’économie globale", Saskia Sassen et Pierre Guglielmina
Expulsions ? Entre autres exemples, ce sont neuf millions de familles américaines chassées de leur foyer par la saisie de leur maison suite à la transformation de leur crédit d’accession à la propriété en produits financiers à haut risque ; ces millions d’Européens ou d’Américains du Sud exclus de leur travail suite aux plans d’austérité imposés par des institutions internationales ; ces millions d’éleveurs ou de cultivateurs expulsés de leurs terres parce que leur État les a vendues à un autre afin que celui-ci puisse développer les productions nécessaires à l’alimentation de ses classes moyennes ; ce sont ces gaz à effet de serre que les puissances industrielles et productivistes libèrent à chaque instant ou bien encore ces nappes phréatiques asséchées par les procédés ravageurs d’extraction du gaz de schiste.
Nombre de spécialistes, aveuglés par la complexité, verront dans cette énumération des mots en laisse. Faisant fi des frontières comme de nos catégories impuissantes désormais à penser le monde que nous faisons (Nord contre Sud ; riches contre pauvres ; mauvais usage de la technologie ou pathologies dérivées de la financiarisation affolée de l’économie, etc.), Saskia Sassen montre que derrière cette apparente diversité s’opère une terrible convergence : la violence désormais ordinaire du capitalisme à son stade global s’explique par un modèle, un concept – celui d’expulsion.
C’est ainsi qu’il convient de nommer la logique qui préside à l’économie globalisée.